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Brève histoire de la seconde guerre civile (1979 - 1998)

Le 7 janvier 1979, Phnom Penh tombait pour la deuxième fois

Le 7 janvier est une date symbolique qui marque un moment fort de l'histoire du Cambodge, mais véhicule toujours le spectre des Khmers rouges.

  • D'aucuns considèrent que le 7 janvier correspond au "jour de la victoire", qui a permis de libérer les Khmers d’un régime sanguinaire qui avait mis le pays à genoux, affamé et décimé une partie de sa population !
  • D'autres le considèrent comme "un jour sombre", qui marque le début de l'invasion vietnamienne au Cambodge.

Cet événement n'est pas vraiment compris et souvent critiqué. 

Alors, à chaque anniversaire décennal, voire annuel, à la date du 7 janvier, les médias s'empressent d'évacuer le sujet pour revenir sur la première chute de Phnom Penh, le 17 avril 1975, sans jamais parler des raisons qui ont conduit à la naissance des Khmers rouges. Occultant les bombardements américains et minimisant la première guerre civile. Pour ne parler que du génocide, sans jamais évoquer la seconde guerre civile, et les événements dramatiques qui se sont déroulés après 1979. Des périodes qui furent toutes aussi terribles pour le peuple Khmer.

Ainsi, de l'histoire du Cambodge, nombreux sont ceux qui ne retiennent que la date du 17 avril 1975, comme le début de souffrances atroces du peuple khmer. Et le 7 janvier 1979 comme le début de l'invasion du pays par le Vietnam. C'est terriblement réducteur !

POURQUOI RIEN D'AUTRE 

  • Est-ce parce que la vie des gens des rizières et des campagnes compte moins que celle des gens des villes, des nobles, et des artistes ?
  • Ou bien, est-ce au titre de la honteuse géopolitique, parce que de nombreux pays furent impliqués dans la destruction du Royaume ?

LES DEUX, MALHEUREUSEMENT !

Et cela fera bientôt 50 ans que cela dure !

Car la vérité dérange ! Alors on occulte les intérêts ou les causes de la honteuse géopolitique. Ceux qui savent se taisent, laissant ainsi la place aux ignorants qui ne connaissent qu'une toute partie de l'histoire... ; relayés par les médias en quête de sensations fortes avec le poids des mots et le choc des photos, sans se soucier de la moindre vérité, ou si peu.

C'est encore vrai de nos jours, quand les causes des conflits actuels sont passées sous silence pour suivre le narratif officiel. On comprend évidemment le ressort qui est leur point commun et les explique : l'émotion. L'émotion d'un peuple devant la mort de civils innocents, ou celle de milliers de victimes d'un pogrom... 

Mais l'émotion n'explique pas tout. Et il faut revenir sur les faits historiques afin de comprendre l'enchaînement des évènements. Car, à chaque crise, une dictature de l’émotion s’installe, où le but n’est plus de comprendre, mais de condamner.

" l'histoire n'est qu'un mensonge que personne ne conteste", disait Napoléon.

C'est tellement vrai que cela fait 50 ans qu'on nous raconte une histoire inexacte sur le Cambodge. Histoire que j'ai vécue, en tant que témoin direct des drames de 1973 à 1998 (référence de mon témoignage en fin d'article).

Alors, au-delà de l'émotion, bien légitime, permettez-moi de vous résumer, avec humanité, les dates clés de l'histoire méconnue de la Seconde Guerre civile, de 1979 à 1998

Une longue période me direz-vous !

Certes, mais elle permet de comprendre comment les grands de ce monde : Américains, Chinois, Français, Vietnamiens... mais aussi les Khmers, qu'ils fussent Royaliste, Républicains, ou Communistes qui, comme tous ces dirigeants, se sont acharnés sur le Cambodge dont les agissements ont contribué à exacerber et à faire durer le chaos pendant 30 longues années.

Car "il y a toujours deux histoires : l’histoire officielle, menteuse ; l’histoire secrète, où se cachent les véritables causes des événements.", précisait Honoré de Balzac.

Alors découvrons ce qui s'est réellement passé dès 1977.

Libération du pays (Printemps 1977 - 7 janvier 1979) :

Au printemps 1977, la paranoïa règne en maître dans la proche sphère de Pol Pot. Afin de mater la dissidence croissante au sein de l'Angkar (organisation des Khmers rouges), le centre de torture de Phnom Penh, appelé S21, fonctionne à plein régime. Créé en 1976 aux fins d'obtenir des renseignements sur l’armée de Lon Nol et les liens que pouvait avoir la bourgeoisie avec des puissances étrangères, il sert à nouveaux pour mater les rébellions, et confronter les responsables de l'Angkar soupçonnés de collusion avec les Vietnamiens.

Pour échapper aux purges, à la folie ambiante, le Commandant Hun Sen, alors âgé de 25 ans, décide de rejoindre le Vietnam. Déjà, plus de deux cents soldats de son régiment, soupçonnés de trahison, ont été arrêtés et faits prisonniers. Il n’a qu’un seul choix : quitter le pays ou mourir. Même s’il n’a que peu de chance de réussir, sachant que Pol Pot lancerait ses troupes à sa recherche, il se doit d’entreprendre cette mission suicidaire, qu’il appelle « Le chemin du salut national ».

Bien que commandant un régiment de 2000 hommes, il ne choisit que quatre camarades, auxquels il confie son intention : préparer une révolution contre le régime de Pol Pot.

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Le 20 juin 1977 au matin, les cinq hommes, faiblement armés, quittent la zone militaire du sud-est, et se dirigent vers la frontière. Après de longues journées de marche dans la jungle, évitant les mines et les pièges, affamés, trempés, ils franchissent la frontière, au sud de Menot. Se voulant pacifistes, ils cachent leurs armes et demandent à rencontrer les autorités militaires, qui les transfèrent à Loc Ninh, puis à Hô Chi Minh (ex Saigon).

Là, ils sont interrogés durant des heures, soupçonnés d’espionnage. Les Vietnamiens doutent de leurs intentions, refusent de les croire et, surtout, excluent toute ingérence dans les affaires internes du Cambodge. Mais Hun Sen réussit à convaincre les autorités, rappelant que son objectif n’est pas d'espionner, mais de renverser ce fou sanguinaire de Pol Pot qui anéantit son peuple.

De leur côté, dès que les commissaires de l’Angkar apprennent la désertion de l’un de leurs chefs, la répression est sanglante : sections, compagnies, personnes locales, tous sont exécutés. Certains peuvent s’échapper, mais les gardes-frontières vietnamiens les refoulent. Le lendemain, des centaines de corps flottent sur la rivière de Thường Thới Hậu, formant la frontière entre les deux pays.

Les mois suivants, face à la violence des troupes de Pol Pot dans la zone-est du Cambodge : villageois, prisonniers, soldats déserteurs, se réfugient au Vietnam. Parmi eux, plusieurs chefs Khmers Rouges, qui rejoignent Hun Sen.

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En mars 1978, Hun Sen, avec quelques officiers vietnamiens et khmers, réussit à s’infiltrer au Cambodge. Il évalue la situation, élabore un plan d’attaque, qu'il explique, à son retour, à un des responsables de la défense, le général Tran Van Tra. Après plusieurs jours de tractations, le gouvernement vietnamien accepte de soutenir Hun Sen dans sa démarche de libération.

C’est ainsi que, le 12 mai 1978, est créé le Khmer United Front for National Salvation (KUFNS), avec la naissance de l’unité de combat N°125.

Les jours suivants, dans un accès de folie, de paranoïa, Pol Pot lance une grande offensive dans l’est du Cambodge, avec l’intention d’éliminer toute la zone militaire, soi-disant à la solde de l’ennemi. Khmers Rouges contre Khmers Rouges, c'est un massacre… peu de survivants.

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Fin 1978, les forces de Hun Sen, environ 10 000 Khmers, sont prêtes pour le combat. Alors, il est confronté à un choix cornélien.

  • Soit il attaque avec ses troupes, les Vietnamiens assurant la logistique et le support, avec le risque que son armée s’enlise,
  • Soit il accepte l’intervention directe et rapide de l’Armée vietnamienne, avec le risque d’une ingérence future.

Le choix d’une libération rapide du peuple prime, l’unité N°125 est associée au combat, et ses chefs se chargeront des affaires politiques.

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Mais, avant d’envahir le Cambodge, le ministre des Armées, le général Võ Nguyên Giáp, sollicite les Français pour leurs connaissances du pays. Une telle demande est tout à fait légitime, étant donné que seule la France possède encore toutes les archives de la période coloniale ; tous les documents au Cambodge ayant été détruits.

Le général Võ Nguyên Giáp veut surtout récupérer les cartes d’état-major réalisées durant le protectorat. Ces cartes, d’une très grande précision, permettraient aux officiers vietnamiens de définir leurs stratégies de combat.

Tout d’abord, le gouvernement français refuse, puis négocie une participation active en imposant un ou deux observateurs, afin d’avoir une vision claire de la situation. Le gouvernement vietnamien accepte.

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Le 15 novembre 1978, à l'aéroport de Nội Bài, un véhicule de l’Armée Populaire Vietnamienne attend les deux observateurs français pour les conduire au ministère de la Défense. Le général Võ Nguyên Giáp, ministre de la Défense et vice-Premier ministre du gouvernement de la République socialiste du Vietnam, est sous haute protection. Plusieurs barrages et contrôles de sécurité protègent l’accès. Mais, les deux français sont attendus et sont accueilli avant même que la vérification des identités soit achevée.

L'ordres de mission est présenté au général Võ Nguyên Giáp qui salue les deux Français et remercie la France, dans un français impeccable. Puis les cartes d’état-major lui sont remises. Après une demi-heure de discussion, les deux français sont intégrés dans les forces vietnamiennes, l'un en tant qu'observateur, l'autre en tant que conseiller militaire.

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Le 21 décembre 1978, le général Võ Nguyên Giáp préconise le recours à des forces écrasantes pour anéantir l’ennemi : d’abord des bombardements intensifs effectués par l’armée de l’air, puis le déferlement massif de 170 000 soldats sur le Cambodge.

Le jour même, les premières colonnes vietnamiennes se dirigent en direction des provinces de Kratïè et de Stoeng Treng. 

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Le 26 décembre 1978, le nord-est du Cambodge est déjà sous le contrôle des Vietnamiens. 

Les Khmers Rouges, redoutables combattants dans la jungle, entraînés pour la guérilla, capables de rester immobiles durant des heures tapis comme des ombres, sont de piètres stratèges dans la plaine et les rizières. Ils commettent l’erreur stratégique d’immobiliser leurs troupes sur des positions avancées et fixes, au lieu d’adopter une tactique de guérilla mobile ; devenant des cibles idéales, elles sont démantelées en moins d’une semaine.

Les villages tombent les uns après les autres, c'est le début d'une guerre éclair, tandis que les officiers vietnamiens, fiers, droits, regardent de haut les vaincus. Un regard de vie ou de mort sur tout ce qui se meut encore ici-bas. Les soldats vietnamiens mitraillent sans distinction : les vieux, les jeunes, les hommes, les femmes, les enfants, ces petits soldats khmers rouges malgré eux. Ils se comportent en conquérants et, malheureusement, utilisent la force brutale pour le plus grand malheur des Khmers. 

Le Cambodge, ce Cambodge, qui ensorcelait, n’est plus ce pays aux délicieux mystères, propre à donner à un enfant des rêves d’aventure ou de gloire. Ce pays ne fascine plus, il désole. L’ombre de la mort s’étend partout, alentour. Tout n’est que terreur, effroi, désolation, au-delà du réel. Un spectacle que seule la plume d’un Dante peut décrire ! Partout, dans le pays, ce n’est que ténèbres, qu’abomination. 

Un effluve indéfinissable flotte dans l’air ; la chaleur et l’humidité n’expliquent pas à elles seules cette émanation putride qui s’amplifie aux abords des villages. Là où l’horreur se manifeste par l’ampleur des massacres perpétrés par l’Armée vietnamienne ; brûlant toutes les maisons des villages, chassant les habitants, comme on chasse devant soi des troupeaux d’esclaves. 

Invasion viet 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les charniers ouverts, d’où se dégage une odeur écœurante de pourriture et de poudre, des plaintes étouffées se font entendre à intervalles réguliers, des cadavres dessous et dessus des survivants. Dans les décombres, un homme en haillons, un vieillard, regarde stupidement, avec des yeux de fou. Un autre, plus squelette qu’homme, la peau desséchée, les yeux vitreux, déboussolés, comme ceux d’un aveugle guettant la clarté, gémit en longs sanglots. À côté, un enfant tend les bras, des petits bras qui n’ont plus de mains...

Devant ces scènes apocalyptiques, comment ne pas ressentir un immense malaise qui marque à jamais la mémoire.

Les Khmers ont fui les villages en feu et les camps de travail pour échapper aux massacres. Il y a tant et tant de cadavres que l'on sait plus si tous ces morts sont dans notre monde, ou que nous sommes arrivé dans le royaume des morts. Et puis cette odeur de chair brûlée qui rentre dans les narines… 

Comment pourrait-on oublier les cris et les regards apeurés des jeunes enfants scrutant le ciel, guettant les sifflements stridents des obus, les regardant venir sur eux ? Comment pourrait-on oublier les mères se jetant sur leurs enfants afin de les protéger, et de mourir avec eux ?

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Durant plusieurs jours, les combats redoublent de férocité et les troupes arrivent au pied du Bokor. Cette montagne qui héberge un palace transformé en citadelle. La bataille est sanglante, les Vietnamiens progressent mètre après mètre, encerclant le moindre rocher, rasant le moindre bosquet. Les Khmers rouges résistent farouchement, terrés dans les abris de fortune que procurent les anciens bâtiments coloniaux. La montagne est conquise. Il n’y a aucun prisonnier, aucun survivant. Des centaines de corps jonchent les différents étages du Bokor Palace, mais l’accès vers le port de Sihanoukville est dégagé.

Enfin, les troupes marchent vers la capitale. 

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Dès le 1er janvier 1979, le bruit des tirs d’artillerie est audible à Phnom Penh, faisant trembler les vitres du palais où le prince Norodom Sihanouk se trouve en résidence surveillée depuis quatre ans. Le jour suivant, un commando vietnamien tente de franchir le Mékong avec des canots pneumatiques dans l’intention de kidnapper le prince. Mais il échoue et repoussé par les dernières troupes khmères rouges.

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Le 4 janvier 1979, la Capitale est encerclée. Et le 6 janvier, un petit bimoteur chinois survole les combats avec, à son bord, le prince Norodom Sihanouk et sa famille, fuyant vers la Chine. En évacuant le Roi, les Khmers Rouges se donnent une nouvelle chance de soutien, car Sihanouk ne peut accepter l’invasion vietnamienne.

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Le 7 janvier 1979, Phnom Penh rend les armes. 

Pour la deuxième fois en moins de quatre ans, Phnom Penh tombe et se rend. Et le cours des événements change brutalement. 

Les "Youn" ont pris Phnom Penh, ils ne sont pas des libérateurs, ce sont des envahisseurs, entend-on dans la capitale Parisienne, le soir même.

Nota : le mot "Youn" signifie, « envahisseurs / voleurs » dans les formes anciennes du khmer.

Le lendemain, à la demande Norodom Sihanouk, la diaspora Khmère présente en France se réunit devant l'ambassade du Vietnam, à Paris, pour manifester contre l'envahisseur. Le ressentiment anti-vietnamien refait surface, d'autant plus que cela sert la cause occidentale.

Cette fois, le monde entier a les yeux tournés vers le Cambodge ! Les dirigeants de la Chine communiste fulminent contre les Vietnamiens, qu’ils menacent d’une terrible punition, et les Occidentaux dénoncent cette invasion.

Quant aux Khmers, ils sont partagés entre soulagement et fureur. Soulagés que la terreur prenne fin. Débarrassés de Pol Pot et de son Angkar de malheur. Furieux que le pays se trouve désormais aux mains du libérateur indésirable, et redouté depuis toujours. 

À partir de ce jour, les Khmers rouges ne sont plus l’ennemi "numéro un", au contraire. La résistance voit le jour et s’organise autour d’eux. Ils se regroupent au Nord-ouest du pays et, tant bien que mal, se réorganisent, aidés par de nombreux Khmers qui rejoignent leurs rangs. Mais bientôt, ils seront réarmés, financés et légitimés à nouveau. 

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Le 11 janvier 1979, la « République populaire du Cambodge » est créée, soutenue par les Vietnamiens et l’URSS. Le commandant Hun Sen est nommé ministre des Affaires étrangères. Il est chargé de faire reconnaître ce nouveau gouvernement.

Et un nouveau drapeau flotte au milieu de la ville !

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Le nom du pays en khmer :  សាធារណ រដ្ឋ ប្រជា មានិត កម្ពុជា, se prononce, Sathïrro'na rroat prothïr mirneut kampouthïr.

Les Français, dans la continuité de leur lubie, traduisent le nom du pays par République Populaire du Kampuchéa ! Alors qu'en toute honnêteté, ils auraient dû, comme au temps du protectorat, traduire le nom កម្ពុជា (latinisé kampuchea) par : Cambodge !

Alors pourquoi ce changement ? Parce que c'est l'exemple type de perversité politique.
Afin de manipuler l'opinion publique, les Occidentaux décident d'appeler le pays Kampouchéa Démocratique.

Ainsi, il est plus facile de faire croire que le Cambodge d'hier n'existe plus, d'autant plus que le Cambodge est soutenu par des pays communistes, introduisant une confusion dans l'esprit des gens. Confusion qui existe encore de nos jours, autour de cette appellation falsifiée.

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Dès lors, Norodom Sihanouk ne cesse de dénoncer l’invasion de son pays devant l’Assemblée des Nations Unies, à New York, puis à Paris… Sa volonté, son sens politique, son courage et sa ténacité, font de lui, au regard du Monde, le seul homme capable de retrouver la voie de la réconciliation nationale. Cela arrange bien les Occidentaux ! Norodom devient l'homme qui veut écraser les Vietnamiens, au nom de la revanche...

Ainsi, un terrible bras de fer commence entre, d'une part, le libérateur Hun Sen soutenu par le Vietnam et l'URSS et, d'autre part, Norodom Sihanouk soutenu par le reste du Monde.

Hun sen

Peu importe les dégâts collatéraux et les milliers de morts qui en résulteront ; il faut anéantir, détruire par tous les moyens, cette nouvelle république et ses nouveaux dirigeants !

Alors qu'à l'ONU, les bourreaux deviennent officiellement les représentants de leurs anciennes victimes. Un scandale de plus au sein des Nations Unies... 

Seconde guerre civile et blocus des Occidentaux (1979 - 1991)

En février 1979, l’accès à Phnom Penh demeure interdit, pendant plusieurs mois. Les anciens habitants doivent camper en périphérie. Pendant que le gouvernement tente de rétablir au minimum les infrastructures afin d'accueillir la population. Dans les camps alentour, les nombreux rescapés racontent les terribles épreuves qu'ils ont traversées. Dans certains secteurs, la directive de l’Angkar, « écraser la classe bourgeoise », fut interprétée par certains : « On tue tous les Khmers qui ne sont pas d’origine paysanne », et par d’autres : « l’obligation de la classe bourgeoise à vivre comme les paysans ».

Ainsi, la dureté du régime a été totalement différente d’une province à l’autre, d’un camp à l’autre, fort heureusement. Et permet aux cinq millions de survivants de reprendre progressivement goût à la vie. Les sourires d’autrefois illuminent à nouveau les visages meurtris. Mais la vie peut-elle s’accommoder de cet environnement empli de détritus, d’odeurs nauséabondes, de rats, dans le dénuement et la maladie ?

Comment la vie peut-elle seulement exister dans une si grande pauvreté ? Combien sont-ils maintenant dans la capitale ? Des centaines de milliers, peut-être le million déjà, et rien pour leur permettre de vivre décemment. Et lorsque les nuages déversent leurs torrents impétueux, que l’inondation s’abat sur la ville, charriant la boue, les détritus mêlés aux odeurs d’excréments et de fange… Comment voulez-vous survivre, sans le minimum vital, sans un minimum de soutien !?… Soutien qui n'arrivera jamais !

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En septembre 1979, les Occidentaux (Français, Américains, Britanniques) ainsi que les Chinois exercent leur influence à l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils imposent de voter une nouvelle fois en faveur de l’octroi du siège du Cambodge au régime déchu des Khmers Rouges. Et mettent fin à une enquête de l’ONU sur les crimes de Pol Pot. La monstrueuse machination était lancée… depuis le siège de l'ONU.

Les Occidentaux, principalement la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont deux possibilités :

  • La première, reconnaître la fin du régime de Pol Pot et forcer les Vietnamiens à rentrer chez eux, en mettant une force internationale en place pour empêcher le retour des Khmers Rouges au pouvoir.            
  • La seconde, condamner l’intervention vietnamienne et soutenir les Khmers Rouges, en imposant un blocus total du Cambodge.

La deuxième option est privilégiée ! 

Les Occidentaux veulent écraser l’envahisseur et, surtout, renverser le jeune gouvernement de Hun Sen… Tout en légitimant leur embargo via l’ONU.

Sans se soucier un seul instant du sort des cinq millions de Khmers encore survivants. Sans se soucier de ces milliers d’enfants qui perdront la vie, faute de soins et de médicaments. C’est à ce peuple victime, que Giscard d’Estaing, Brzezinski et Thatcher veulent, avec cynisme et violence, imposer le chaos dans un Cambodge moribond, parce que son libérateur, le Vietnam, est communiste et, surtout, soutenu par l’URSS.

Les Khmers rouges deviennent le bras armé des Occidentaux et des Chinois, avec l'aval de l'ONU ; constituant une force de 30 000 à 35 000 soldats. À partir de cette date, les Khmers rouges utilisent les camps de réfugiés en Thaïlande comme bases arrières. Ces camps sont également investis par des agents du SDECE, de la CIA, ou des forces spéciales SAS. La Chine fournit directement les armes, tandis que la France (tout comme les États-Unis, la Belgique et le Royaume-Uni) œuvre discrètement, apportant son soutien financier et militaire, par l’intermédiaire d’une organisation humanitaire. 

Ce n’est pas n’importe laquelle, celle-ci a son siège à l’ambassade américaine de Bangkok. Les responsables de cette organisation sont tous d’anciens membres des services secrets, dont de nombreux agents des services d’espionnage français et anglais. Ainsi, tout un réseau est mis en place. Les armes, les munitions, les aides financières, venant d’Europe et des États-Unis, transitaient régulièrement via Singapour avant d’arriver en Thaïlande. Ensuite, les généraux Thaïs, non sans avoir dérobé des centaines d’armes et des milliers de dollars pour leur usage personnel, se débrouillaient pour tout acheminer vers les camps de réfugiés, où les Khmers Rouges régnaient en maîtres…

L’histoire se répète ! Comme en 1970, les Occidentaux et les Chinois veulent renverser le nouveau gouvernement khmer, en s'appuyant sur les Khmers rouges. 

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En novembre 1979, face à cette situation totalement insensée et dramatique, des milliers de Khmers préfèrent s'enfuir vers la Thaïlande, afin d’échapper aux combats, aux représailles et à la famine qui sévit sauvagement. Beaucoup par peur, (les anciens bourreaux), d’autre pour fuir le pays qui replonge dans la guerre rejoignent les camps de réfugiés à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Ils sont nombreux à être réquisitionnés par les Khmers rouges. D'autres ont la chance d'être transférés vers des pays d'accueils... France, Canada, Australie, USA...

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Le 21 mars 1981, Norodom Sihanouk, en exil à Pyongyang, en Corée du Nord, se réveille enfin, et crée une organisation de défense du Cambodge, afin de donner une composante monarchiste à la lutte contre le régime pro vietnamien de Phnom Penh. Comme à son habitude, il lui donna un acronyme compliqué (FUNCINPECFront Uni National pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Pacifique et Coopératif), cherchant à exprimer sa pensée au regard du monde. Curieusement, Sihanouk évite de citer les Khmers Rouges.

Envisage-t-il de s’allier une nouvelle fois avec eux ?

Et c'est le cas !

La situation politique du Cambodge devient encore plus confuse. Certains pays du monde libre accentuent leur pression sur les chefs de la résistance, pour qu’ils s’allient avec les Khmers Rouges. Une alliance contre-nature se réalise.

Cette union de façade, entre des leaders que tout oppose, ne peut lutter efficacement contre les Vietnamiens et les troupes gouvernementales dirigées par Hun Sen. Malgré l’accord, et dans la plus grande confusion, des heurts continuent à se produire entre les différentes factions de la coalition.

Pour se protéger, les Khmers rouges posent des mines par milliers. Mais pour se défendre, les forces vietnamiennes font de même. À un rythme effréné, toute la zone frontalière avec la Thaïlande est minée.

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Le 25 décembre 1982, l'Assemblée générale des Nations unies se prononce sur un amendement présenté par le Vietnam demandant de ne plus reconnaître la délégation des Khmers rouges comme représentant du Cambodge. L'amendement est repoussé par 90 voix contre 29 et 26 abstentions. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine ont voté contre, la France s'étant abstenue. Le résultat de ce scrutin est un succès pour le prince Sihanouk, président de la coalition.

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De 1985 à 1987, les champs de mines prolifèrent dans l'ouest du pays, dont le plus connu, le K5, également appelé le "Mur de bambous", fait de palissades doublées de barbelés et de champs de mines sur une profondeur de 5 km, sur une longueur de plus de 100 km ; bordant la frontière thaïlandaise, où chaque pas peut être fatal. 

Dans l'est du pays, les soldats vietnamiens reçoivent l’ordre d’occuper les terres abandonnées et d’y faire venir leur famille pour les coloniser. Les Khmers Rouges réagissent, ils montent des expéditions punitives et détruisent plusieurs villes occupées. C'est une grande victoire pour Pol Pot ! Mais les Vietnamiens ripostent violemment, infligent à leur tour de lourdes pertes. Malgré une cuisante défaite, les Khmers Rouges peuvent se replier vers les camps de réfugiés, au nord-ouest du pays. Très rapidement, ils réorganisent une armée, avec le soutien de l’ONU, des Chinois et des Occidentaux dans le seul but d’écraser le Cambodge.

Sans le soutien des Chinois et des Occidentaux, les Khmers rouges aurait cessé la guerre depuis longtemps !

Si les Occidentaux avaient eu, ne serait-ce qu'un soupçon d'humanité, ils pouvaient cesser cette guérilla stupide et faire confiance à Hun Sen qui, depuis huit ans, doit faire face aux pires difficultés. Impuissant sous la pression des Vietnamiens, victime de l’embargo imposé par l’ONU, faible par rapport aux Khmers Rouges militairement armées et financées l'Occident…

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En décembre 1987, première rencontre, à Fère-en-Tardenois près de Paris, entre le prince Norodom Sihanouk et le Premier ministre Hun Sen. L'objectif de cette rencontre est de rechercher un règlement politique au conflit qui divise le Cambodge depuis la libération par l'armée vietnamienne en janvier 1979, considéré comme une invasion par Norodom Sihanouk et les Occidentaux. Le 4 décembre 1987, les négociations se terminent par la signature d'un communiqué commun, où il est souligné que le problème khmer doit être nécessairement réglé par le peuple Khmer lui-même. Il y aura d'autres rendez-vous... notamment le 7 février 1989.


Sihanou hune sen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le 5 avril 1989, le Vietnam annonce le retrait total, d'ici au 30 septembre, de ses troupes, évaluées à cinquante mille soldats par Hanoi et à environ soixante-dix mille par les Occidentaux. Ce retrait devrait mettre fin à plus de dix ans d'occupation militaire vietnamienne au Cambodge.

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Les 29 avril 1989, création de l'État du Cambodge. Alors que Norodom Sihanouk, chef de la résistance, s'apprête à rencontrer à Djakarta le Premier ministre Hun Sen, ce dernier fait adopter une révision de la Constitution afin de satisfaire une demande faite par Norodom Sihanouk. La République populaire du Cambodge cède la place à l'État du Cambodge, qui devient un pays neutre, pacifique et non-aligné. La Constitution abandonne toute référence au socialisme et rétablit le bouddhisme comme religion d'État. Cela satisfait Norodom Sihanouk, mais n'accélère pas le processus de paix.

Malgré tout, un nouveau drapeau est créé et devient porteur d'espoir et de reconnaissance !

Flag of the state of cambodia 1989 1992 svg

 

 

 

 

Le nom du pays en Khmer : រដ្ឋ កម្ពុជា se prononce, Rroat Kampouthïr.

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Le 30 août 1989, la conférence internationale de Paris sur le Cambodge suspend ses travaux en constatant « qu'il n'est pas encore possible de parvenir à un règlement global ». Les factions khmères et leurs alliés n'ont pas réussi à s'entendre sur la participation des Khmers rouges à un gouvernement de transition qui serait installé avant l'organisation d'élections générales. Le gouvernement de Phnom Penh exclut tout partage du pouvoir avec les Khmers rouges, alors que l'ONU continue de l'exiger.

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Le 26 septembre 1989, officiellement, les dernières unités du corps expéditionnaire vietnamien quittent le Cambodge en présence de nombreux journalistes étrangers. 

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Le 27 septembre 1989, alors que les différentes factions de la coalition tentent de consolider leurs positions sur le terrain face aux troupes gouvernementales, la Thaïlande et Norodom Sihanouk estiment que des milliers de soldats vietnamiens n'ont pas quitté le pays. Norodom Sihanouk refuse de reprendre les négociations, et la guerre civile continue. 

Pour cause, la communauté internationale freine les démarches et essaye d'écarter (évincer) Hun Sen de ces négociations, en favorisant toujours les Khmers rouges, comme bras armé de l'ONU...

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Le 23 octobre 1991, dans l'espoir de mettre définitivement fin à la seconde guerre civile, les principaux partis procèdent à la signature d'un accord de paix, à Paris, en présence de témoins de 18 pays, dont le Secrétaire général de l'ONU. Les principaux acteurs de cet accord étaient :

  • Le Premier ministre Hun Sen pour le gouvernement Khmer,
  • Le Prince Norodom Sihanouk pour le mouvement FUNCINPEC,
  • Son San pour le Front de libération nationale,
  • Khieu Samphan pour le mouvement des Khmers rouges (Pol Pot) toujours en poste à l'ONU.

 

Accors paris

Nota : de gauche à droite : Hun Sen, Norodom Sihanouk, Roland Dumas, Son San et Khieu Samphan.

Malgré l'accord de paix de Paris du 23 octobre 1991, la guerre civile au Royaume se poursuit, provoquée par les Khmers rouges toujours plus ou moins soutenu par les Occidentaux.

L'échec de l'APRONUC (février 1992 - septembre 1993):

Février 1992, suite à un accord de paix signé à Paris en 1991, l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) administre le pays, sous la tutelle de l'ONU, dans le cadre d'une opération de maintien de la paix au Cambodge. Elle a reçu tous les pouvoirs nécessaires pour sécuriser le pays, organiser des élections générales et former un nouveau gouvernement. Bref, le Cambodge n'existe plus en tant que nation, ni royaume, ni république, ni État, seulement connu sous le nom d'APRONUC CAMBODGE...

UN NOUVEAU DRAPEAU EST CRÉÉ - CENSÉ REPRÉSENTER LE PAYS !

Flag of cambodia 1992 1993 svg

 

 

 

Nota : au centre du drapeau le nom du pays កម្ពុជា que l'on prononce Kampouthïr, dont la tranlitération latine est Kamputchea et qui correspond au mot Cambodge (en français).

Le nom du pays devient :  អាជ្ញាធរ អន្តរកាល សហ ប្រជាជាតិ នៅ កម្ពុជា se prononce Aït'gna'thô Antarrakal Sä'hä Prrotièrthïèrt neuw Kampouthïr. = Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge.

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De mars 1992 à septembre 1993. Bien que les Khmers Rouges fussent signataires des accords de paix, ils refusent toujours de déposer les armes.

On feint de l'oublier, mais l'arrêt des hostilités et le désarmement des forces en présence constituaient le premier et le plus important objectif des « Accords de paix ». Comme les Khmers rouges n'ont pas appliqué une seule des dispositions des Accords, en réaction l'APRONUC a manifesté de l'hésitation, de la faiblesse, de l'impuissance, et a échoué. Un échec politique !

Par contre, les forces militaires de l'APRONUC ont été efficaces sur le terrain, par leurs actions de déminage, et de protection de la population…

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L’APRONUC, avec ses quatre mille fonctionnaires, a fortement brisé et étouffé toute la joie de vivre qui fleurissait partout. En prenant la place des Khmers, pleins de bonne volonté, ils les ont découragés, écartés et, une fois leur travail terminé, ils sont partis en laissant un vide total, et l’incompétence. Alors qu’ils auraient dû les former.

Chaque fois qu’une opération de paix de l’ONU débarque dans un pays et commence à se déployer sur son territoire rien ne se passe, tout s’enlise. Ils promettent la paix, mais ils entretiennent la guerre, veulent placer les dirigeants à leurs bottes, et chassent ceux qui déplaisent. Puis la prostitution et la corruption prennent le relais… Ce fut le cas au Cambodge.

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La guerre des clans & Les larmes du Peuple :

En septembre 1993, les Khmers Rouges s'opposent aux élections ; empêchant même les gens de certains villages de voter, notamment dans le nord-ouest du pays.

Contre toute attente, la participation est un franc succès. Mais, à l’issue du scrutin, aucun parti politique ne dispose ni de la majorité absolue, ni de la majorité des deux tiers requise pour l’adoption de la Constitution. Cependant, le FUNCINPEC, parti royaliste, fort de son pourcentage, s’auto-proclame vainqueur, réinvestissant Norodom Sihanouk dans sa fonction de chef d’État. 

Une crise politique ne tarde pas à éclater. Certains membres du Parti du Peuple Khmer, arrivés en seconde position, dont Hun Sen, et Norodom Chakrapong l’un des fils du Roi, menacent de faire sécession pour créer une république dissidente dans l’est du pays, où ils sont majoritaires.

Le roi Norodom Sihanouk a alors la pire idée qui soit ! Afin de permettre à tout le monde de sauver la face, il propose : il n’y a qu’à partager en deux chaque administration, chaque ministère, jusqu’à la fonction de chef du gouvernement...

Le prince Norodom Ranariddh, fils aîné de Sihanouk et dirigeant du Funcinpec, devient « premier Premier ministre », Hun Sen, à la tête du Parti du Peuple Cambodgien est nommé « deuxième Premier ministre ».

La paix semble sauvée.

En réalité, les hostilités sont simplement retardées, car les effectifs de l'armée, de la police et de l'administration sont réellement coupés en deux, générant des conflits permanents et retardant d'autant la capacité du pays à se rétablir de ces longues années de guerre.

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Le 24 septembre 1993, la Monarchie est rétablie. L’Assemblée constituante redonne au pays son statut de « Royaume », et reconnaît la souveraineté du Roi Norodom Sihanouk. Ainsi, le pays retrouve enfin son nom d'origine : Royaume du Cambodge.

Un nouveau drapeau pavoise les rues, en espérant que ce soit le dernier pour des décennies.

Flag of cambodia svg

 

 

 


Le nom du pays en khmer 
 ព្រះ រាជាណាចក្រ កម្ពុជា (romanisé en Preah Rerthirnacha Kampuchea), se prononce : Prrèr Rrirthïr'natïa Kampouthïr.

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Malheureusement, il faut encore attendre plusieurs années pour que la guerre civile cesse totalement. Certaines zones du pays sont toujours sous domination des Khmers rouges.

Le 6 juillet 1994, l'Assemblée nationale royale khmère décrète que les Khmers rouges sont « hors-la-loi ». Mais Pol Pot demeure actif au sein du mouvement.

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En juillet 1994, alors que Khmers Rouges occupent toujours la station balnéaire de Kep et les environs de Kampot, ils bloquent la voie de chemin de fer reliant les deux villes. Puis attaquent le train et rançonnent tous les passagers. Trois touristes sont enlevés contre une rançon : un Français, Jean-Michel Braquet, un Australien, David Wilson et un Britannique, Mark Slater.

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En septembre 1994, Pol Pot, après avoir réclamé,  en vain, une rançon pour libérer les otages et l'abrogation du décret mettant ses partisans hors-la-loi, il ordonne l'exécution des trois jeunes occidentaux. 

L’ambassadeur de France, M. Gildas Le Lidec, qui a pris cette affaire à cœur, se sent si coupable qu’il s’en accuse en public. Selon son entourage, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour libérer l’otage français. Malheureusement, à Paris, ils ont raisonné en technocrates et n'ont pas donné les moyens, ni l'autorisation de discuter directement avec les Khmers Rouges.

C’est avec Pol Pot qu’il devait négocier, et non avec les deux premiers ministres. Alors que Hun Sen faisait tout son possible pour trouver une issue favorable, Norodom Ranariddh contrariait tous les plans de négociations… Car Norodom Ranariddh négociait secrètement le ralliement des Khmers rouges « hors-la-loi » à son parti (le FUNCINPEC). L'art de la politique dans toute sa splendeur.

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Le 8 août 1996, Ieng Sary annonce sa rupture avec Pol Pot et, avec environ 4 000 hommes, il défie le FUNCINPEC en se rangeant dans le camp de Hun Sen. Les hommes de Ieng Sary sont intégrés aux troupes gouvernementales, malgré l'hostilité de Sihanouk et de son fils, Ranariddh. 

La défection de Ieng Sary porte un coup décisif aux Khmers rouges qui, à la fin de l'année 1996, ont perdu presque toutes leurs bases à l'intérieur du pays et se trouvent confinés dans la jungle. Pol Pot envisage alors un retour à l'action politique légale : les Khmers rouges annoncent la création de deux nouveaux partis politiques, un « Parti paysan » et un « Parti de la solidarité nationale » dirigé par Khieu Samphân. 

Mais les Khmers rouges ne sont plus en situation de revenir dans le jeu électoral. Une partie des troupes abandonne leur idéologie et dénonce leurs anciens chefs. Ils se reconvertissent dans les affaires, voire le crime organisé, et continuent de détenir le pouvoir économique dans la région de Pailin, près de la frontière avec la Thaïlande.

Nota : Attention de ne pas confondre les anciens Khmers rouges qui participèrent à la libération du pays, et formèrent le gouvernement khmer pour reconstruire le pays et protéger le peuple, avec les Khmers rouges soutenus par l'ONU. Ce sont ces derniers qui sombrèrent dans le crime organisé, le banditisme et continuèrent à détruire le pays...  Précision qui a son importance eu égard à l'amalgame et la confusion sur cette période.

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En 1997, le FUNCINPEC continue ses négociations avec la faction khmère rouge basée à Anlong Veng, (Pol Pot, Ta Mok et Khieu Samphân), mais l'issue est dramatique. Lorsque l'hélicoptère des négociateurs du FUNCINPEC se pose en zone khmère rouge, il est pris d'assaut, apparemment sur ordre de Pol Pot qui n'a pas été informé de la raison de leur arrivée. Les quinze émissaires sont enfermés dans des cages de fer ; seuls quatre hommes survivent à leurs cinq mois de captivité.

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Le 1er juin 1997, des contacts directs sont finalement établis et, Norodom Ranariddh rencontre Khieu Samphân pour convenir d'un front uni

Norodom Ranariddh commet alors l'erreur de préciser publiquement, sans en avoir référé auparavant à Khieu Samphân, que l'accord prévoit l'exil de Pol Pot, Ta Mok et Son Sen. La radio khmère rouge dément aussitôt l'accord. Norodom Sihanouk, de son côté, publie une déclaration affirmant qu'il exclut d'accorder son pardon à Pol Pot et Ta Mok. Alors qu'il l'accorde à Son Sen. Se considérant trahi, Pol Pot fait exécuter Son Sen.

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Le 11 juin 1997, Ta Mok, craignant pour sa vie, prend les devants. Il rassemble ses troupes et réalise un coup de force contre Pol Pot, qui prend la fuite. Les dernières troupes favorables à Pol Pot se dispersent.

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Le 28 juin 1997, Khieu Samphân annonce la fin définitive du mouvement khmer rouge, sa rupture avec Pol Pot et son soutien sans condition au FUNCINPEC. 

La signature définitive de l'accord entre Khieu Samphân et Norodom Ranariddh a lieu le 5 juillet, afin d'intégrer les restes des Khmers rouges dans le front uni du FUNCINPEC.

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Cet accord précipite les événements, la paix qui semblait s’installer durablement est compromise. Les forces de police des deux Premiers Ministres s'affrontent dans la capitale Phnom Penh. D'un côté, les forces de Hun Sen (CPP). De l'autre, les forces du Prince Norodom Ranariddh (FUNCIPEC). Chacun ayant ses propres forces de police et son armée. Les escarmouches entre les deux partis reprennent, les affrontements sont de plus en plus fréquents. Suivis d’exécutions arbitraires, les combats en différents points de la capitale font plus d’une centaine de morts.

1997

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En juillet 1997, dans l'esprit des accords de paix et afin de garantir la sécurité du pays, Hun Sen réalise un coup de force contre Norodom Ranariddh, en évinçant ce dernier du pouvoir.

Selon les diplomates occidentaux en poste à Phnom Penh : le prince Ranariddh est, selon eux, largement responsable de son sort. 

Et, selon  l'ambassadeur d’Australie Tony Kevin :

« Il y avait un consensus entre les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie, soutenus par ceux de l’Indonésie, de la Malaisie, du Vietnam et de la Chine, selon lequel Ranariddh et les Khmers rouges voulaient défier les accords de paix, alors que Hun Sen les défendait ».

La plupart des diplomates en poste sont excédés par les provocations du prince Ranariddh, ses jeux politiques et ses maladresses – et ne sont pas mécontents d’être débarrassés de lui. Dans leurs câbles diplomatiques, ils ne font pas mystère de leur préférence pour Hun Sen. « Cela ne vaut-il pas mieux que de revenir au jeu stérile consistant à soutenir Ranariddh ? », écrit encore Tony Kevin. Pas question, pour eux, de dénoncer un « coup d’Etat » – et c’est le terme « coup de force » qui s’impose rapidement pour décrire les événements.

La communauté internationale, condamne l’initiative de Hun Sen et plusieurs pays suspendent leur aide, et l’adhésion du royaume à l’Association des nations d’Asie du Sud-Est est repoussée, sine die.

La France, néanmoins, se distingue des autres pays, en appuyant explicitement Hun Sen. L’analyse de l'ambassadeur de France, Gildas Le Lidec, est pragmatique :

« Nous avons décidé de ne pas évacuer les Français de Phnom Penh et de ne pas interrompre notre aide bilatérale. Jusqu’en 1997, nous nous efforcions de garder une équidistance entre le CPP et le FUNCINPEC. Mais après le 5 juillet, il était évident que Hun Sen était l’homme fort du Cambodge et qu’il représentait son avenir. Même Norodom Sihanouk le reconnaissait. »

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La situation dans le pays est compliquée. Dès la tombée de la nuit, l’État de droit balbutiant n’existe plus que sur le papier.  La liste de traîne-misère, qui vivotent de rapines, est longue : estropiés, soldats déserteurs ou démobilisés, Khmers Rouges en rupture de ban, réfugiés sans toit ni travail, orphelins shootés à la colle… L’insécurité est de retour, et de nombreux habitants fuient la capitale.

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Le 25 juillet 1997, lors d'une réunion publique, Pol Pot est condamné à la « prison à vie ». Gravement malade, il est dans les faits assigné à résidence. Ses trois commandants militaires sont exécutés. Ta Mok, désormais chef officiel des Khmers rouges, demeure à la tête de quelques centaines d'hommes, qui se livrent au brigandage pour survivre.

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En septembre 1998, grâce à la politique gagnant-gagnant Son Excellence Hun Sen est élu « l’Unique » Premier ministre, et met fin à la seconde guerre civile. Les affrontements cessent. Le pays retrouve enfin une paix complète ainsi que la prospérité. Enfin, le Roi Norodom Sihanouk gracie les derniers rebelles.

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Les jours suivants, Pol Pot meurt d’une crise cardiaque. Son médecin personnel l’ayant aidé à faire le grand saut !

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Depuis les accords de paix de 1991, l’ONU, les Occidentaux et les Chinois n'ont eu de cesse de provoquer des troubles, en soutenant à la fois les Khmers rouges et le FUNCIPEC. Menant à sept années d’incertitudes, d’instabilité, retardant d’autant les capacités du Cambodge à retrouver son économie, dans le seul but d’évincer le Premier ministre, Hun Sen.

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Puis dans l'objectif de cacher leurs crimes, les Occidentaux imposent au gouvernement royal khmer, la mise en place d'une Chambre Extraordinaire au sein des Tribunaux du Cambodge (CETC), afin de condamner les dirigeants Khmers rouges : KAING Guek Eav (Duch), IENG Sary, IENG Thirith (épouse de Sary), KHIEU Samphan et NUON Chea (Pol Pot et Ta Mok étant décédés).

Procès qui d'ailleurs est une vaste fumisterie, puisque les Occidentaux interdisent de prendre en compte tous les responsables qui ont soutenu les Khmers rouges durant plus de trente années. Les personnes qui témoignent sur ce sujet sont : soit recadrer systématiquement, afin de ne parler que des Khmers rouges ; soit elles sont exclues de l'audience. Par ailleurs, et c'est le côté Grand-Guignol de cette pièce de théâtre, d'anciens membres de l'Angkar, qui ont échappés aux purges de 1978, viennent se venger en accusant leurs anciens dirigeants de crimes comparables à ceux qu'ils ont eux même commis... UNE FARCE.

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Norodom-Sihanouk règne jusqu'à son abdication en 2004, en faveur de son fils Norodom-Sihamoni.

Deux à quatre millions de morts !

Nombreux sont les médias et les internautes qui avancent le chiffre de trois à quatre millions de morts durant la période du génocide ! 

Pourtant, tout le monde s'accorde à dire, qu'un quart de la population du Cambodge périt sous Pol Pot.

Or, le dernier recensement, de 1974, faisait état de 6 913 408 personnes. Si on calcule bien, un quart d'environ sept millions d'habitants égal 1,75 million de victimes. Ce qui correspond aux données de toutes les sources officielles. Donc, pour atteindre le nombre de 3 millions de victimes, il aurait fallu que la population avoisine les 12 millions d'individus ; nombre qui correspond aux recensements des années 1999 - 2000, mais en aucun cas aux années 70-75.

Nota : lien vers le recensement au Cambodge : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL?locations=KH

Alors pourquoi tant de différences ? Est-ce par manque d’informations ? Est-ce par amalgames ?

Il ne faut pas oublier que ce sont les Vietnamiens qui déclarèrent le nombre de victimes. En augmentant leur nombre, ils cachèrent leurs crimes commis au nom de la libération du Cambodge. Ce genre de désinformation était d’autant plus facile que personne ne pouvait se rendre dans le pays pour témoigner, confirmer ou démentir.

Mais l'information s'était propagée plusieurs fois autour de la planète et aucun média ne chercha à vérifier. D'où la confusion. 

Plus tard, lorsque les organisations humanitaires purent pénétrer, elles démontrèrent que le nombre d’exécutions était très inférieur à celui annoncé, et que les principales causes des décès durant le régime dur et inhumain de Pol Pot étaient, avant tout, la famine, l'épuisement et les maladies. Le nombre des exécutions fut estimé entre 300 et 350 milles victimes (ce qui est déjà monstrueux), notamment de mai à octobre 1975 (citadins et notables), puis de juillet 1978 à janvier 1979 (des membres de l'Angkar). Les autres causes de mortalité auraient fait entre 1,3 à 1,5 millions de victimes.

En fait, il y a beaucoup d’incertitude quant à l’échelle exacte du massacre perpétré par Pol Pot. Même la meilleure étude qui existe aujourd’hui, estime que les victimes des Khmers Rouges, toutes les causes confondues, s’élèvent entre un million cinq cent mille et un million huit cent mille au maximum.

Donc, pour comprendre le nombre de morts, il faut analyser les différentes périodes de l'histoire :

  • 1968-1975 : environ 1 million de victimes. Bombardements de l’US Air Force & 1re Guerre civile,
  • 1975-1979 : probablement 1,85 million de victimes, selon les sources. Génocide,
  • 1979-1997 : 400 000 victimes, guerre de libération, blocus ONU et 2e Guerre civile.

Alors, avant de juger les Khmers Rouges, on aurait dû juger tous les dirigeants occidentaux impliqués dans les 30 années de chaos : Lyndon Johnson, Richard Nixon, Henry Kissinger, Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing, Zbigniew Brzezinski et Margaret Thatcher, et d'autres seconds couteaux tout aussi coupables... Ils auraient tous dû comparaître devant la Chambre Extraordinaire au sein des Tribunaux du Cambodge (CETC), pour crime de guerre et crime contre l’humanité !

Et pour clore ce sujet, permettez-moi de citer John Pilger (correspondant de guerre) : À moins que la justice internationale ne soit qu’une comédie, ceux qui se sont rangés du côté des Khmers Rouges devraient être appelés à comparaître devant le tribunal de Phnom Penh. Leurs noms devraient pour le moins être inscrits sur une liste de la honte et du déshonneur.

Musée du génocide S21 - Un symbole ambigu :

La prison de sécurité 21 (S-21) des Khmers rouges, aujourd'hui devenue musée du génocide, était située dans l'ancien lycée Tuol Sleng. Elle fut créée en 1976 aux fins d'obtenir des renseignements sur l’armée de Lon Nol et les liens que pouvait avoir la bourgeoisie et la noblesse avec des puissances étrangères. 

Mais n'oublions pas que le S21 fut le principal centre de torture pour les membres de l'Angkar soupçonnés de trahison, de collusion avec les Vietnamiens. Dans ce lieu terrifiant, la machine à torturer, à tuer, s’était emballée d’elle-même. Qu'ils fussent d'anciens bourreaux, responsables de camps, simples exécutants, ou familles proches, ils furent tous obligéssous la torture, à avouer un crime imaginaire ; avant d’être envoyés au camp de « Choeung Ek » pour y être assassinés. 

Dans une maison proche du lycée, des milliers de dossiers, contenant les aveux et les photographies de chaque détenu, permirent de comprendre l’étendue du désastre. Car il fallait sans cesse rendre compte à Pol Pot du travail de purification. Il fallait faire remonter les preuves, les photos et les confessions signées des ennemis de la vraie nation khmère. Il fallait des noms, des dates, des aveux, et il en fallait toujours plus.  

On estime qu'environ 18 000 membres de l'Angkar ont été emprisonnés et torturés au S21 sur la période de juin 1977 à fin 1978. Ainsi, des générations de bourreaux massacrèrent, sur ordre, leurs prédécesseurs, et furent à leur tour assassinées par leurs remplaçants, sous le regard amusé de Kang Kèk Leu, alias "Douch", le directeur de la prison.

C'est toute l'ambiguïté de ce musée qui, vu par les Occidentaux est considéré comme le musée du génocide (ce qui est vrai), tandis que de nombreux Khmers survivants le considèrent, beaucoup plus, comme le musée du fratricide entre membres de l'Angkar et ses dommages collatéraux.

Nota : Angkar = nom de l'organisation khmère rouge. 

Témoignage de Kroussar :

Pour ceux qui souhaitent découvrir les détails de cette histoire méconnue du Royaume, les preuves de l'implication des Occidentaux et connaître ce qui s'est vraiment passé dans l'ambassade, vous trouverez :  Mon récit GRATUIT  - Cambodge-La longue quête "ICI".

Ce roman nous plonge au cœur de secrets bien gardés et cachés depuis très longtemps par les États Occidentaux, ceux-là même qui provoquèrent un chaos de trente années au Royaume du sourire.

Selon les lecteurs : "Plus qu'un roman, c'est d'abord un témoignage bouleversant, une histoire d'amour, un récit qui surprend par la force qu'il porte, et lève le voile sur la honteuse géopolitique occidentale".

Très cordialement et amicalement, Jean-Claude dit Kroussar.