Dans son récit, Zhou Daguan décrit Angkor Thom ainsi : "la ville a cinq portes avec plusieurs portes, une dans chaque direction cardinale, mais deux à l'est. La ville est entourée de larges douves traversées par des ponts avec des sculptures de 54 personnages tirant un nāga à neuf têtes. Au sommet de la porte de la ville, il y a cinq têtes de Bouddha, quatre d'entre elles faisant face à quatre directions, celle du centre étant recouverte d'or... "La ville est de forme carrée et les portes de la ville sont gardées, ouvertes le jour, mais fermées la nuit. Les chiens et les condamnés n'ont pas le droit d'entrer dans la ville"."Le palais se situe au nord du pont d'or et de la tour d'or, et fait face à l'est. La salle principale du palais est recouverte de tuiles de plomb, tandis que le reste est recouvert de tuiles d'argile."
Son observation sur le peuple est précise et indique que : "les Khmers s'habillent différemment selon leur classe sociale. Les paysans, hommes et femmes, gardent la poitrine exposée, marchent pieds nus et ne portent qu'un morceau de tissu enroulé autour de la taille. Les femmes de classe moyenne portent des ornements pour cheveux, des bagues ou des bracelets en or. Les belles femmes sont envoyées à la cour pour servir le roi ou sa famille royale selon ses caprices.".
Ajoutant que : "Tous les métiers sont exercés par des femmes. Les Khmers de la classe supérieure sont habillés de manière élaborée avec des casques en or, des bijoux et de longues robes au style complexe. Sur la place du marché, il n'y a pas de bâtiments, mais les vendeuses vendent leurs marchandises sur de grandes nattes étalées sur le sol. L'espace sur le marché nécessite également le paiement d'un loyer aux fonctionnaires."
Il constate que : "le peuple khmer n’a besoin ni de tables ni de chaises chez lui, ni de bols ou de plats reconnaissables. Ils cuisinent leur nourriture dans des marmites en terre utilisées pour faire bouillir le riz et préparer la soupe. Leurs louches sont fabriquées à partir de coques de noix de coco et la soupe est ensuite servie dans un petit bol fabriqué à partir de feuilles tressées, rendues imperméables."
Décrivant les cérémonies royales avec moult détails : "Quand le roi sort, les troupes mènent l'escorte ; puis viennent les drapeaux, les banderoles et la musique. Les femmes du palais, au nombre de trois à cinq cents, portant des vêtements ornés de fleurs, des fleurs dans les cheveux, tiennent des bougies à la main et forment une troupe. Même en plein jour, les bougies sont allumées. Viennent ensuite d'autres femmes du palais, portant des lances et des boucliers ; puis les gardes particulières du roi ; puis des charrettes tirées par des chèvres et des chevaux, toutes en or. Ensuite, les ministres et les princes montant leurs éléphants, et devant eux, on aperçoit, même de loin, leurs nombreux parapluies rouges. Ensuite, les épouses et concubines du roi apparaissent dans des palanquins, des carrosses, à cheval et sur des éléphants. Ils possèdent plus d'une centaine d'ombrelles tachetées d'or. Enfin, arrive le souverain, debout sur un éléphant, brandissant son épée sacrée à la main. Les défenses de son éléphant sont recouvertes d'or."
Il mentionne avoir vu, à Angkor, des gens qui semblent féminins ou qui ne se conforment pas aux rôles traditionnels du genre. Il les appelle catamites et observe qu'ils se rassemblent en groupes sur le marché, afin d'attirer l'attention des hommes chinois.
Ainsi, l'on découvre que les Chinois sont présents dans l'Empire depuis plusieurs siècles.
Car selon Zou Daguan, les anciens marins chinois forment une importante communauté à Angkor et se mêlent à la vie des Khmers : « Les Chinois qui arrivent en qualité de matelots trouvent commode que, dans ce pays, on n'ait pas à mettre de vêtements. En outre le riz est facile à gagner, les femmes faciles à trouver, les maisons faciles à aménager, le mobilier facile à acquérir, le commerce facile à diriger, il y en a constamment qui désertent pour y rester ». " Il semblerait que ces marins aient volontiers choisi d’échanger leur misérable vie dans leur village natal, en Chine méridionale, ou sur leur bateau, pour rejoindre la douceur de la vie des Khmers, même s’il fallait pour cela enfreindre la loi de la Chine ancienne qui considérait l’abandon de la terre natale comme le crime le plus vil, passible de la peine de mort. Mais la terre khmère est accueillante, les nouveaux colons sont respectés pour leur habilité à faire du commerce, traditionnellement entre les mains des femmes khmères."
Zhou Daguan note également : « Dans ce pays, ce sont les femmes qui s'entendent au commerce. Aussi, si un Chinois en arrivant ici commence toujours par prendre femme, c'est qu'il profite en outre des aptitudes commerciales de celle-ci ».
Précisant également que les immigrants chinois ne forment pas une communauté ethnique distincte, mais sont intégrés à la société khmère. Ils étaient respectés écrivait Zhou Daguan : « Quand les Khmers voient un Chinois, ils lui témoignent beaucoup de crainte respectueuse ». Et ajoutait : "Les Chinois qui arrivent se mêlent intimement à la population en se mariant avec des femmes khmères et en adoptant les us et coutumes du pays. Mais les femmes khmères vieillissent très vite, sans doute parce qu'elles se marient et accouchent trop jeunes. Quand elles ont vingt ou trente ans, elles ressemblent à des Chinoises de quarante ou cinquante ans."
Par ailleurs, la tradition orale et le folklore khmers regorgent d’histoires sur l’arrivée des premiers migrants chinois. Vous serez probablement surpris si je vous dis qu’un monument, qui a été érigé en leur mémoire, se tient toujours dans le « village des Chinois en pleurs » (phoum tïène youm ភូមិចិនយំ) dans la province de Kompong Speu.
Le village fut nommé ainsi, car au moment où les Chinois débarquèrent sur nos terres, ils auraient pleuré et se seraient lamentés, cherchant en vain des points de repère familiers. La légende rapporte que ce village fut le premier point d’arrivée de nombreux Chinois.
D’autres légendes racontent comment le village de Koh Tiew dans la commune de Koh Thom, située dans la province de Kandal, fut connu pour être le port de commerce avec les Chinois durant le royaume du Funan et le point d’entrée des vagues successives de migrants chinois au cours des siècles suivants. Toutes ces histoires orales indiquent à quel point les Chinois étaient largement considérés comme un trait continu dans la vie économique et culturelle des Khmers.
À partir du XIIIème siècle, les premiers récits écrits rappellent d’une installation durable d’immigrés chinois au Chenla.
Nota : Le Chenla (ចេនឡា se prononce Tïène'la) est le nom donné à l'entité territoriale de la péninsule indochinoise qui occupait, de la fin du VIe au début du IXe siècle, l’emplacement de l’actuel Cambodge, l’est de la Thaïlande ainsi que le sud du Laos et du Vietnam.
C’est vers 1445, au moment de la création du Royaume du Cambodge, que l’on recense officiellement l’importante de la communauté chinoise établie au royaume (30% de la population).
Donc, les Khmers ont tous un peu de sang chinois et de sang Indien dans leurs veines, car toutes les familles ont au moins un ancêtre chinois en commun, même si au fil des siècles le métissage s'est élargi.